D.2.7. Droit de réponse

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Droit de réponse

 

Salut cher ami,

 

     Je suis pour une grande tolérance et, si je passe pour un bisounours, ce n’est pas grave. Il y a tant de malheurs aujourd’hui, dus au fait que des gens se croient dans leur bon droit, que j’en prends le risque.

    Je ne suis pas aveugle loin de là, et je vois bien ce qui se passe autour de moi ; mais je me refuse à rester au bord du problème.

    Pour ce qui est des islamiste radicaux dans le style AQMI, MUJAO ou BOKO ARAM, je suis pour qu’on les élimine d’une façon ou d’une autre ; je serais même tenté de dire qu’on les ‘’vaporise’’, mais il me reste un fond de morale qui m’en empêche. Ceci dit, j’ai le même sentiment à l’égard de bandes de fous du style LRA qui se réclament du Christ. Je pense qu’il est de notre responsabilité de créer les conditions qui peuvent empêcher des pauvres hères de sombrer dans des extrêmes qui comblent un manque de connaissances, un manque d’éducation et un manque de moyens de toutes sortes et de toutes formes. Je n’ai pas une grande expérience des milieux radicaux musulmans mais, dans ma quête de foi et de spiritualité, j’ai pu rencontrer quelques chrétiens illuminés ou radicaux ou extrémistes ou les trois à la fois. Et une chose m’a toujours marqué : c’est la pauvreté de leur connaissance de la Bible ou de la religion. Je suis convaincu que c’est la même chose qui accable ceux qui sont dans ces mouvements extrémistes. Je crois que, bien souvent, on tire des conclusions sans prendre les choses dans leur contexte le plus complet possible. Une des dimensions qu’on oublie souvent d’intégrer, c’est la dimension politique de tout ce qui nous entoure. Le bisounours que je suis pense que le seul objectif des dirigeants de ces différents  mouvements n’est pas autre chose que la quête de pouvoir, de pouvoir politique. Et dire que l’on ne peut rien faire parce que le Coran serait un livre ‘’incréé’’ me paraît absurde ; je crois et je suis convaincu que l’on peut en avoir une lecture intelligente. Personne ne parle de modifier la Bible que je sache ; et pourtant, la plupart d’entre nous en avons une lecture plus ou moins intelligente. Il ne faut pas oublier que, aujourd’hui, certains  chrétiens ne verraient aucun mal à mettre sur le bûcher des infidèles : ça a déjà été fait dans le passé et il ne faut pas croire que l’évolution de la connaissance soit un obstacle à l’obscurantisme. La seule arme contre la bêtise et l’obscurantisme, c’est l’éducation, la santé, la culture et le minimum vital. Et aux donneurs de leçons, je rappelle que, il n’y a pas si longtemps, une bonne partie de l’Europe était nazie, et une autre partie communiste fondamentaliste.

     Je ne dis pas que nous pouvons chacun changer le monde mais, tous ensemble, on peut faire la différence. Ce qui est criminel, c’est de regarder la maison brûler en se disant que l’on ne peut rien y faire. Je voudrais reprendre à mon compte la légende du colibri. La jungle était en flammes et tous les animaux regardaient, désespérés, le feu dévorer leur monde, tous, sauf le colibri qui faisait des allers-retours entre la rivière et l’incendie en prenant une goutte d’eau dans son bec. Aux autres animaux qui le raillaient d’entreprendre une tâche aussi ridicule qu’inutile, il répondait  qu’il faisait ‘’sa part’’ ! Pas grand-chose, mais quelque chose ! On peut tous faire quelque chose, écouter et  peut être ‘’essayer’’ de comprendre un peu, se demander si, placé dans les mêmes conditions, on s’en sortirait vraiment mieux. Je crois que, dans la vie, il faut avoir des convictions, avoir des buts, mais savoir garder une certaine humilité. Je trouve que, parmi tes amis, il y a pas mal de personnes un peu radicales, et certains des mails que tu me transmets me sont tout à fait désagréables ; mais j’essaye toujours de comprendre – je n’y arrive pas toujours – et de ne pas juger ‘’si possible’’ ; mais je reste humain.

Allez ! C’était ma minute bisounours !

Bien à toi

Daniel

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Cher Daniel,

    Depuis le temps que tu vois passer mes échanges de mails, tu peux constater que j’ai des amis de tous horizons ; et je les accepte comme ils sont, avec leurs convictions sociales, politiques et religieuses fort diverses. L’important pour moi est qu’ils soient des personnes de droiture, même si l’enfer peut parfois être pavé de bonnes intentions.

    J’ai vécu pendant plus de quatorze ans dans un pays, le Sénégal, qui était et est toujours, islamisé à pratiquement 90% de sa population. J’y ai trouvé une harmonie religieuse que je n’ai revue nulle part ailleurs. C’était au temps de Senghor. L’archevêque de Dakar, feu Monseigneur Hyacinthe Thiandoum, était lui-même issu d’une famille musulmane. Sans penser un seul instant qu’il allait un jour changer de religion, ses parents avaient envoyé l’enfant qu’il était à l’école de la mission catholique, convaincus qu’il allait y trouver le savoir. Dans le quartier des HLM où continue de vivre ma mère, à l’occasion de la Tabaski, la fête du mouton, on aurait pu croire que nous en avions tué un nous-mêmes, tellement nous recevions de quartiers de viande de la part de nos voisins majoritairement musulmans. Sur les dix enfants qui constituent ma fratrie, un frère et deux de mes sœurs ont des conjoints de confession musulmane avec lesquels je m’entends bien. Mon ex-beau-père Madické Kâ, aujourd’hui disparu, était musulman. Fadel Babiker, le père de Soad, la femme qui partage aujourd’hui ma vie, était lui aussi musulman. Pour finir, Amira et Wissal, les deux filles que Soad a eues de son mariage avec un Soudanais musulman décédé depuis 1966, pratiquent la religion de leur père, prières quotidiennes et jeûne compris. Ce petit rappel pour te faire comprendre que je ne suis pas en guerre contre l’Islam, mais contre les nombreuses dérives que connaît cette religion aujourd’hui, manipulée comme elle l’est par des extrémistes de tous poils. Et je continuerai de l’être tant que je n’entendrai pas les protestations massives et réellement agissantes des musulmans dits « modérés ».

    Nous vivons au 21ème siècle. Rappeler les atrocités commises par d’autres religions ou d’autres systèmes politiques par le passé ne nous fait pas avancer. De la même façon que je ne tiens pas les Allemands d’aujourd’hui responsables des agissements coupables d’Hitler, je ne veux point que l’on me bassine avec les errements de l’Inquisition ou des Croisades pour justifier ce qui se passe à présent, tous les jours, sous nos yeux, et qui est tout simplement intolérable. D’autres temps, d’autres mœurs…

     Ma prise de conscience personnelle du danger que constitue aujourd’hui l’Islam date des attentats du World Trade Center. De la même façon que tu as pu te pénétrer du drame de la Shoah au regard du génocide rwandais, j’ai été profondément bouleversé par la tragédie du 11 septembre 2001. Trois ans après les faits, j’effectuais, pour le compte de la Sagem, une mission d’expertise qui m’a conduit à New-York. J’étais logé à l’Hôtel Hilton Millenium, tout juste en face de Ground Zero. Ma chambre, située au 56ème étage de l’édifice, surplombait le trou béant qui avait été l’emplacement des tours jumelles et au fond duquel on pouvait voir passer à présent le métro. Et, sur la dalle extérieure, il y avait, inscrits dans le marbre, les noms des quelque trois mille disparus. Trois mille personnes dont les vies s’étaient envolées en quelques heures à cause de la folie meurtrière d’une poignée de  kamikazes prétendant agir au nom d’Allah. Dans la plupart des pays arabes, Osama Ben Laden passera pour un héros et, jusque dans nos banlieues à problèmes, des jeunes issus de l’immigration ne rêveront plus que de l’imiter. L’affaire de Toulouse où s’est tristement illustré Mohamed Merah en tuant, de sang froid, sept innocents dont des enfants, démontre qu’il ne faut pas faire preuve d’angélisme… au risque de pactiser avec le diable. Par conséquent, à la manière du colibri de ta fable, je ne cesserai jamais de tirer la sonnette d’alarme pour réveiller les consciences endormies. Et si mon geste ne produit d’effets que dans le cercle étroit de mes relations, ce sera toujours autant de gagné. Le jour où l’horreur surviendra, elles ne pourront pas me dire : « On ne savait pas ! »

    Comme tout homme de bonne volonté, j’aspire à la paix et à la concorde. Mais, face à des ennemis déterminés qui ne font pas mystère de leur volonté de détruire le monde occidental et ses alliés, cette paix et cette concorde ne peuvent souvent se conquérir qu’en guerroyant selon la vieille maxime Si vis pacem, para bellum. Si une poignée de Français n’avaient pas suivi De Gaulle dans la Résistance au lieu de collaborer benoîtement avec l’occupant comme le souhaitaient Pétain et le régime de Vichy, les officiers SS continueraient peut-être de parader aujourd’hui sur les Champs-Elysées. N’ayant pas un tempérament à courber l’échine et à subir, j’ai résolument choisi mon camp, camarade !

Avec ma fidèle amitié,

RF.

                               Plaisir, 27 février 2013