B.2.10. Manifeste

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MANIFESTE

 

         Ma belle-fille, qui vit à Khartoum, m’a envoyé la photo ci-jointe qui semble comparer les exactions du Ku Klux Klan à celles commises aujourd’hui par Daesh (1). Sans esprit de polémique, ceci appelle de ma part les commentaires suivants :

  1. Le Ku Klux Klan, organisation raciste fondée en 1865 et qui sévissait contre les Noirs, a officiellement disparu en 1944, ce qui est bien la preuve d’un rejet massif de la part de la population américaine. Si le Ku Klux Klan avait conservé une once d’influence dans la vie politique des Etats-Unis, nous n’aurions probablement pas aujourd’hui un Barack Obama à la Maison Blanche (2). Les mentalités ont donc favorablement évolué. Quoi qu’il en soit, avec le Ku Klux Klan, il ne s’agissait pas d’une guerre de religion : les Noirs maltraités ou lynchés étaient eux aussi des chrétiens pour la plupart et priaient le même Dieu que leurs agresseurs.
  1. Dans l’affaire de Daesh qui nous intéresse aujourd’hui, on a véritablement le sentiment de revenir à des temps barbares alors que nous vivons au 21ème siècle. Je suis noir, appartenant par conséquent à une race dont des millions de membres ont connu par le passé l’esclavage. Au nom de cette histoire, je ne puis cependant pas en vouloir aux blancs d’aujourd’hui, de la même façon que nos contemporains allemands ne peuvent être tenus responsables de l’Holocauste. PARCE QUE LES CHOSES ONT CHANGE. Et les choses ont changé parce qu’il y a eu des gens courageux pour prendre position, parfois au péril de leurs vies, contre l’inacceptable.
  1. Lorsque je m’exprime, je ne m’exprime qu’en mon nom seul, en homme libre, et non au nom d’une doctrine et encore moins d’une religion, celle-ci eût-elle un chef clairement identifié comme l’est le Pape pour les catholiques. Compte tenu de la modestie de ma voix – je ne suis pas Nelson Mandela – je ne peux m’adresser qu’à mes proches et à mes amis. Et, sans jouer les donneurs de leçons, ce que je déclare est simple : face à l’horreur, d’où qu’elle vienne, QUI NE DIT MOT CONSENT. Il est bien évident que la majorité des musulmans ne sont pas des terroristes ; mais c’est néanmoins à cette même majorité qu’il incombe, avant tout, de séparer le bon grain de l’ivraie, en un mot, de faire le ménage.
  1. Aujourd’hui, dans le monde musulman dit « modéré », quelques voix commencent à s’élever (3). Mais elles sont à mon sens encore trop timides pour faire barrage aux atrocités perpétrées, tous les jours, par Daesh en Syrie et en Irak. Un autre danger est que Daesh fait des émules (4) : d’autres illuminés se prennent à rêver d’un califat africain qui irait du Sénégal au Soudan, ce qui laisse sous-entendre de belles abominations en perspective.

         Comparaison n’est donc pas raison : les errements du passé (croisades, Inquisition, esclavage, apartheid, etc) ne pourront jamais justifier à mes yeux ceux du présent et, encore moins, de l’avenir.

              Plaisir, 24 septembre 2014

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(1) Daesh signifie « Dowlat al-Islamiyah f’al-Iraq wa Belaad al-sham », c’est-à-dire, en arabe, l’État islamique en Irak et au Levant (EEIL).

(2) J’ai néanmoins lu récemment que certains nostalgiques du Ku Klux Klan cherchaient à fédérer les noirs américains contre les hispanophones qu’ils trouvent trop envahissants.

(3) A signaler notamment la campagne « #NotInMyName » (Pas en mon nom) lancée sur les réseaux sociaux au Royaume-Uni par des musulmans qui veulent résolument se dissocier du groupe armé État islamique (EI) et dénoncer ses actions.

(4) Le parquet de Paris a ouvert une enquête de flagrance, le mardi 23 septembre 2014, sur l’enlèvement d’Hervé Gourdel, un guide de haute montagne niçois âgé de 55 ans, dans la région de Tizi Ouzou, à 110 kilomètres à l’est d’Alger, pour enlèvement et séquestration en liaison avec une entreprise terroriste.