B.1.7. A mes amis du bout du monde

 

 

A mes amis du bout du monde 

 

Voici ce que m’écrivait, le 6 juillet dernier, mon ami Roger :

 

« Mon cher Raoul,

     Quelques opinions très brèves sur le sujet abordé par toi et tes amis en France : l’immigration vue du Brésil, par un Français qui y est venu à l’âge de 12 ans avec ses parents ; donc immigré lui-même, car les parents ne voulaient plus voir de guerres.

    Le Brésil, comme beaucoup de gens le savent, est un pays essentiellement constitué d’immigrés. Certains y ont été amenés par la force, comme les esclaves noirs ; les autres fuyaient la famine, les guerres et toutes sortes de problèmes. Cela a donné un peuple assez mélangé, même si les blancs du sud ont voulu préserver leurs origines, ce qui leur pose parfois des problèmes d’identité. Mais bon, passons : en dehors de quelques exceptions et d’un racisme encore sous-jacent, on peut considérer que le peuple brésilien est un mélange bien assaisonné.

    Le grand espace, les débouchés, la ruée vers l’ouest (comme aux Etats-Unis durant le 19ème), la conquête de l’Amazonie…, tout cela a fait que toutes les communautés ont facilement trouvé du travail et inventé un nouvel art de vivre : Italiens et Allemands, Juifs et Arabes, sans compter les Libanais, Polonais et autres Russes… La diversité, la faible densité de la population et les religions en tous genres ont fait surgir dans ce pays tropical une « culture » d’assez grande tolérance et une certaine joie de vivre. La religion chrétienne, la langue et une administration à la portugaise sont parvenues à cimenter tous ces peuples. Bien sûr, l’arrivée des nouvelles technologies, les migrations internes, la baisse de la démographie, les crises économiques successives, les problèmes de drogue, créent des mutations profondes et une nouvelle donne dans le pays.

    A côté de cela, nous avons la France, densément peuplée, avec un peuple laïc (qui a même chassé les prêtres au début du 20ème siècle), des immigrations en nombre, des cultures diversifiées, une crise sans précédent ces dernières années, une civilisation bimillénaire qui a des mœurs et des habitudes établies depuis longtemps, des conservateurs (et non plus les révolutionnaires d’antan) et… des enfants gâtés avec leurs acquis sociaux. Dans un « espace vital » de plus en plus réduit, avec un chômage en augmentation et surtout la sensation d’être envahi par une culture religieuse extrêmement sectaire dans un pays où, il y a un siècle, les curés ont été rejetés et où le nombre de personnes qui se disent « athées » est un des plus élevés du monde, tout ceci provoque un mélange explosif qui me fait comprendre la crise existentielle que connaît aujourd’hui la société française.

    Ce phénomène est bien perçu par un nombre important de Brésiliens qui ne peuvent manquer de faire la comparaison. En respectant la proportion de la population, si le nombre de musulmans y était équivalent à celui de la France, cela correspondrait à une Argentine toute entière qui émigrerait au Brésil. Même si le Brésil et l’Argentine ont toujours été des rivaux « cordiaux », cette seule perspective fait sursauter bien de Brésiliens. Une différence notable cependant avec la situation qui prévaut en France : les Brésiliens et les Argentins sont de même culture…

    Voilà, rapidement livrées, quelques impressions d’un Franco-Brésilien qui vit à 10.000 km de chez vous.

Un « abraço »

Roger »

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     Je remercie Roger pour sa sympathique contribution. Sans parler de ma propre personne, moi qui vis à l’étranger depuis 1974, j’ai toujours admiré les personnes qui ont eu le courage et la volonté de partir de chez eux pour se construire un avenir meilleur, ailleurs. Dans le contexte géopolitique du monde d’aujourd’hui, je ne pense plus qu’on pourrait encore accorder une once de vérité à ces vers pourtant sublimes du bon Joachim Du Bellay : 

 

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,

Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,

Et puis est retourné, plein d’usage et raison,

Vivre entre ses parents le reste de son âge !

 

    Je profite de mon blog de ce jour pour saluer au passage tous mes amis et mes parents du bout du monde, spécialement :

 

– Stéphane Freychet de Caracas (dont j’ai zappé l’anniversaire ce 25 juillet ; il voudra bien m’en excuser : la faute à mon lumbago !!!)

– Philippe Esquerré de Quito (Equateur)

– Jocelyn Féliho, le dernier de mes frères, qui s’est établi dans le Maryland et qui est citoyen américain.

– Mon cousin James Féliho des Bermudes

– Ma nièce Maya Agbalika épouse Jensen, qui partage sa vie entre Copenhague (Danemark) où elle travaille, et Malmö (Suède) où elle réside avec sa petite famille.

– Mon neveu Loïc Agbalika installé à Toronto (Canada) avec femme et enfant.

– Amira, la fille aînée de Soad, qui réside à Khartoum (Soudan) avec les siens.

– Wissal, l’autre fille de Soad qui, après plusieurs années passées à Los Angeles et Boston, vit à présent à Sydney (Australie).

– Et, last but not least, mon propre fils Terence, dont j’avais perdu la trace à Taïwan et qui serait à présent à Osaka (Japon).

God bless!

                                                                                                                                            Plaisir, 30 juillet 2012