B.1.16. De Punta Cana à Roubaix

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De Punta Cana à Roubaix

 

      Dieu, que le temps passe vite ! Celui qui a dit qu’il n’y a pas assez d’heures dans une journée pour tout ce qu’un pauvre homme doit faire a bien raison : je ne vois pas le temps passer !

     Mon dernier post date du 5 mai dernier : nous étions à la veille du second tour de la présidentielle. Depuis, les urnes ont parlé et nous ont donné un nouveau président : François Hollande ! Cependant, je ne me réjouis pas trop pour lui : la tâche qui l’attend et les problèmes qu’il doit résoudre relèvent de la quadrature du cercle. Seulement, la France ayant connu au cours de son histoire des transes plus terribles, je garde au coeur l’espérance qu’elle saura, une fois encore, se sortir de ce mauvais pas.

     Le temps passe vite…

    Par l’entremise d’un ami, j’ai répondu au pied levé à une sollicitation du Club Med pour une mission d’observation portant sur des problèmes de sécurité au village de Punta Cana (République Dominicaine). Pour les huit jours programmés, j’ai réussi à emmener Soad dans mes bagages. Nous avons retrouvé avec un plaisir non dissimulé cette belle mer des Caraïbes que nous avions quittée en 2004, après nos séjours successifs à Cuba puis à la Jamaïque. La journée, pendant que je travaille (on ne rigole surtout pas), Soad prend assidûment des cours de salsa, de bachata et de merengue. Mais nous nous retrouvons le soir pour profiter à loisir des diverses animations que nous offre le Club. Voilà pour la carte postale ensoleillée et cocktailisée !

     De retour à Plaisir, alors que je suis occupé à la rédaction de mon rapport de mission, nous apprenons le décès de Marie-Agnès, la femme de mon ami Gérard Lemahieu. J’ai connu Gérard en 1978, durant mon année d’intérim au service Expédition de Nord-Eclair. Je suis encore un jeune étudiant et lui, un journaliste déjà confirmé, curieux des choses et des gens. Ancienne ouvrière de la bonneterie, Marie-Agnès ne travaille plus en usine ; mais elle a tout autant à ouvrer avec leur maison et leur ferme situées dans le Petit Marais de Willems, « près du ruisseau puant », comme Gérard aime à l’indiquer, avec un brin de malice, en guise d’adresse. J’ai surnommé Marie-Agnès « la dame aux chats », car elle en a une kyrielle et n’hésite pas à recueillir tous ceux qu’elle trouve blessés ou abandonnés. Marie-Agnès est partie trop vite, en à peine trois mois, d’un cancer foudroyant. Nous sommes donc montés à Roubaix lui dire un dernier et fraternel adieu.

     Revoir les pavés du Nord m’a fait songer à mes cinq années de galère en pays ch’ti, de Dunkerque à Villeneuve d’Ascq, en passant précisément par Roubaix. J’ai retrouvé le quartier des Hauts-Champs, l’avenue Motte, le vélodrome et la rue de Lannoy… bref, une partie de ma vie d’avant. En dépit des circonstances, j’ai surtout retrouvé gens sympas. Après les funérailles, nous avons dû quitter rapidement Gérard et les siens. C’est que notre tournée des popotes n’est pas encore terminée. La veille, nous avons dîné tout près de la frontière belge, à Halluin, chez Jean Debay, et nous avons fait la connaissance de Mauricette, sa nouvelle femme. Cela faisait plus de vingt-cinq ans que je n’avais pas revu Jean Debay. C’est lui qui m’avai fait entrer à Nord-Eclair dont il est lui-même aujourd’hui retraité, tout comme l’est Gérard Lemahieu. Avant de reprendre l’autoroute pour Paris, nous avons marqué deux autres arrêts.

    J’ai tenu d’abord à passer par Villeneuve d’Ascq pour présenter Soad aux Quiquempois. Brigitte et Jean-Pierre Quiquempois ont été mes voisins du temps où je vivais rue du Barreau, tout juste sur le campus universitaire du Pont de Bois. Ils m’ont donc connu dans ma vie antérieure, avec mon ex-femme et notre enfant. Les revoir a été l’occasion pour moi de leur expliquer comment j’ai vécu depuis toutes ces années où nous nous sommes perdus de vue. Heureusement que, dans l’intervalle, il y a eu les mails échangés, notamment avec leur fils aîné Sylvain.

     Notre dernière halte a été à Wasquehal où Bernard Welschbillig et sa femme nous ont donné rendez-vous au Campanile du coin. Nous avons pris le café et évoqué nos souvenirs qui remontent à l’époque où Bernard et moi nous sommes rencontrés à Quito. Déjà retraité, Bernard était venu en Equateur pour conseiller Philippe Esquerré, un autre de nos amis, dans ses activités de filature. En vacances chez ses enfants, Bernard Melet, le beau-père de Philippe, donnait un soir une conférence sur Saint-Exupéry à l’Alliance Française. Dans la salle, Philippe avait installé l’autre Bernard à mes côtés en lui disant, par boutade, qu’il serait plus en sécurité auprès d’un flic. Lorsque j’ai su que Bernard Welschbillig était originaire du Nord, je l’ai invité à dîner chez moi le lendemain. Je recevais le même soir deux couples de Français que je ne connaissais pas. Ma tante Odile Verny me les avait chaleureusement recommandés depuis Paris en me précisant qu’ils effectuaient un circuit touristique en Equateur et qu’ils se manifesteraient à moi lorsqu’ils seraient de passage dans la capitale. C’était en 1995, c’était dans une autre vie. Durant le repas qui fut fort animé, Bernard Welschbillig a découvert au fil de la conversation que l’un des convives était quelqu’un qu’il avait bien connu adolescent. Ils avaient été condisciples dans la même boîte à curé de Reims, mais ne s’étaient plus jamais revus en quarante-six années. Les deux compères ont bien changé ; l’un est devenu un peu plus dégarni et l’autre un peu plus gros. Leurs souvenirs communs sont pourtant intacts, comme s’ils dataient de la veille. Nous avons alors tous sablé le champagne pour célébrer ce moment de grâce comme il se devait.

     Des hasards des rencontres, des aléas de la vie…  C’est ainsi que l’on se retrouve à Punta Cana, puis à Roubaix, sans l’avoir réellement programmé.

                                                 Plaisir, 27 mai 2012