D.2.2. A propos de l’immigration

 

 

 

A propos de l’immigration

 

L’immigration… Un sujet récurrent qui provoque pas mal de controverses. Je choisis aujourd’hui de livrer le point de vue d’un ami, sans citer son nom, en sachant qu’il se reconnaîtra. Je donnerai ensuite le point de vue qui est le mien… et que je partage.

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Mon cher Raoul,

     Tu as vraiment de drôles d’amis ! Je n’aime pas toujours intervenir dans tes forums parce que, bien souvent, je me demande vraiment à quoi ça sert. Entre ceux qui considèrent que les maux de la France viennent toujours de l’étranger, et ceux qui veulent couper la poire en deux en croyant que c’est mieux ailleurs, il faut être un peu sérieux. Je ne parle pas de la première intervention qui était tellement courageuse que l’auteur s’est vexé du fait que l’on diffuse sa prose. Mais la seconde a fini de m’agacer. J’adore les bien-pensants qui estiment que l’on peut faire des discriminations dans l’immigration. Ben voyons ! Faisons comme les USA et choisissons des immigrés intelligents ! C’est sûrement parce que les Américains ont bien choisi leurs immigrés que l’espagnol est en passe de devenir la langue la plus parlée dans leur pays. Ta correspondante ne sait peut-être pas qu’il y a une rue de New-York où l’on ne parle quasiment que le Wolof. Quand la France faisait venir des immigrés pour bosser dans les usines Renault, on préférait éviter les intellos. Et puis merde ! Je crois que n’importe quel immigré, mis dans des conditions de travail et d’études similaires à celui d’un Français, aurait les mêmes chances de réussite. Et puisque l’on critique les immigrés qui viennent en France, je voudrais pouvoir aussi critiquer les Européens qui viennent en Afrique prendre les richesses des Africains et qui ne laissent rien en retour. J’aime bien les gens qui ne connaissent l’Afrique qu’à travers le monde des expats et les lieux touristiques.

    J’ai du mal à finir cette missive ; ça m’énerve ! Il y a toujours des solutions. Mais mon papa m’a dit un jour : ‘’Ne juge pas quelqu’un si tu n’as pas marché quinze jours dans ses chaussures’’.

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Mon cher D…

     Toi et moi vivons en France depuis bien des années. Nous y sommes venus manifestement de notre plein gré, pas comme des travailleurs immigrés que des marchands de sommeil seraient allés recruter dans leurs savanes lointaines, et encore moins comme des esclaves ayant voyagé dans les cales d’un vieux rafiot. Ceci est un premier point.

     Si notre avenir nous avait paru assuré en Afrique, nous y serons sûrement restés, comme la plupart de nos compatriotes qui continuent de se battre tous les jours sur le continent noir malgré les problèmes de tous ordres qu’ils y rencontrent : guerres, famine, sécheresse, épidémies, corruption, sida, etc. Reconnais donc que, comparés à eux qui n’ont souvent pas d’autres choix, nous avons une position somme toute confortable. C’est ce qui nous donne le loisir de disserter sur les problèmes du monde. Ceci est un  deuxième point.

     Homme de la grande Casamance, feu mon beau-père avait coutume de dire : « Dans un pays où les hommes pissent debout, il faut apprendre à pisser debout ». Il entendait simplement par là que c’était à l’étranger de s’adapter à son pays d’accueil et non le contraire. Cette capacité de l’immigrant à s’intégrer (je n’ai pas dit à s’assimiler) a fait la force et la puissance de pays comme les Etats-Unis, le Canada, l’Australie et même le Brésil. Là où les choses ne vont plus, c’est quand celui qui vient d’ailleurs prétend imposer son mode de vie dans un pays qui n’était pas le sien à l’origine. Alain Peyrefitte prête au Général de Gaulle de 1959 les paroles qui suivent : « Si nous faisions l’intégration, si tous les Arabes et les Berbères d’Algérie étaient considérés comme Français, comment les empêcher de venir s’installer en métropole, alors que le niveau de vie y est tellement plus élevé ? Mon village ne s’appellerait plus Colombey-les-Deux-Églises, mais Colombey-les-Deux-Mosquées. » En manifestant de la sorte sa crainte d’une possible invasion, DE GAULLE AVAIT RAISON et prétendre le contraire est, à mon sens, manquer de réalisme et d’honnêteté.

     Pour en revenir à l’Afrique, on sait combien les nationalismes y sont tenaces, sans aller même jusqu’à évoquer la question tribale. On est d’abord Ivoirien, Béninois, Sénégalais, Camerounais avant d’être Africain, tout comme on est fon, mina, yorouba ou somba avant d’être Béninois. C’est comme cela depuis la nuit des temps et cela ne semble pas près de changer, même si d’aucuns continuent de rêver à des Etats-Unis d’Afrique. Quand on connaît la tragédie représentée par le génocide du Rwanda entre Tutsis et Hutus, on ne peut pas imputer tout le sang versé à la seule main de l’étranger. Depuis les années soixante que la plupart des pays africains sont indépendants, il serait temps pour eux qu’ils prennent réellement en main leurs destins au lieu de toujours jeter la faute sur l’ancienne puissance coloniale.

      « Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne », aurait dit Jean-Pierre Chevènement. La même attitude serait valable pour l’étranger : s’il ne se sent pas suffisamment intégré dans son pays d’accueil, il peut toujours aller voir ailleurs ou retourner simplement dans son pays natal. Reste le problème des enfants issus de l’immigration et qui, nés en France, sont souvent Français. S’ils considèrent réellement que tout y est pourri, je leur conseille vivement d’aller faire un long séjour – je ne parle pas de simples vacances d’été – dans la patrie de leurs parents afin de comparer ce qui est comparable. Je suis d’avance certain que bon nombre d’entre eux réviseraient au plus vite leur jugement après un tel dépaysement.

    Dernier point sur lequel je terminerais : on ne devient pas citoyen d’un pays juste pour des raisons économiques ; le simple sens de l’honneur exigerait qu’on lui donne autant qu’il nous a donné. Là, je  me réfère aux mots de John F. Kennedy : « Ne demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais ce que vous pouvez faire pour votre pays ». Arrière-petit-fils d’un immigré irlandais, cette conviction qu’il avait chevillée au corps l’avait conduit jusqu’à la présidence des Etats-Unis, tout comme l’actuel président, Barack Obama, qui poursuit aujourd’hui « les rêves de son père »(1).

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(1) « Les rêves de mon père » de Barack OBAMA, Mars 2008, Presses de la Cité Etranger – Documents, 21,30 € – 456 p.