B.2.4. Il y a bien un ton France Culture

 

 

Il y a bien un ton « France Culture »

 

     Ce mardi 7 février, se tenait dans l’auditorium du Musée d’art et d’histoire du Judaïsme (MAHJ), sis 71, rue du Temple à Paris 3ème, une causerie animée par Antoine Perraud, journaliste à Mediapart et producteur à France Culture, à l’occasion de la parution de l’ouvrage de Nicole Lapierre intitulé « Causes communes, Des Juifs et des Noirs ».

     Malgré le froid polaire qui sévissait au dehors, l’amphithéâtre du MAHJ était bondé, preuve que le thème avait réussi à susciter d’autres intérêts que celui de votre seul serviteur, venu pour la circonstance en train, puis en bus, depuis Plaisir. J’ai noté parmi les personnes assises au premier rang la présence d’Edwy Plenel, président et fondateur du journal en ligne précité.

    Sur la scène au décor spartiate, il n’y a que le journaliste et l’écrivaine, tout juste séparés par une petite table basse triangulaire sur laquelle sont posés deux verres vides et qui le resteront pendant les quatre-vingt dix minutes que durera l’entretien, montre en main.

     Ce qui frappe d’emblée, c’est l’extrême courtoisie avec laquelle M. Perraud procède à la présentation de Mme Lapierre, socio-anthropologue, directrice de recherche au CNRS, co-directrice de la revue Communications et qui a déjà publié plusieurs ouvrages, en particulier « Changer de nom et Pensons ailleurs », chez Stock. On est loin du brouhaha de ces radios libres et autres stations périphériques où, bien souvent, en dépit de l’importance du débat, celui-ci est parasité par la recherche de l’effet à tout prix, chaque intervenant cherchant à se mettre en avant aux dépens des autres. Et lorsqu’arrive le tour de Mme Lapierre de prendre la parole pour répondre aux questions ciblées du journaliste, elle le fait toujours avec une grande réserve, une espèce de retenue que l’on pourrait presque prendre pour de la timidité.

     Le propos et néanmoins clair et réussira à captiver l’attention de l’auditoire jusqu’à la fin de la causerie.

     Que dit Mme Lapierre dans son nouvel ouvrage ? D’après les recherches qu’elle a menées, elle soutient que des Juifs et des Noirs – l’indétermination de l’article partitif est ici à souligner – ont eu, par une espèce d’empathie naturelle, à soutenir des causes communes dans les trois premiers quarts du siècle dernier. Et elle nourrit son propos par des exemples concrets. Pour mémoire, je n’en citerai que quelques uns :

– Martin Luther King et le pasteur Abraham Heschel,

– Le poète-écrivain haïtien René Depestre et sa première femme Edith Gombos Sorel, une Juive hongroise,

– La grande alliance entre des juifs et des Noirs aux Etats-Unis, entre les années 50 et 60, pour la défense des droits civiques ou, beaucoup plus tôt encore, dans le domaine musical du jazz.

     L’exemple sur lequel M. Perraud interrogera le plus longuement Mme Lapierre reste le cas d’André et Simone Schwarz-Bart. Pour une meilleure compréhension de l’auditoire, le journaliste prend la liberté  de faire diffuser sur grand écran une interview réalisée par Pierre Desgraupes dans le domicile genevois du couple, peu de temps après que le Prix Goncourt 1959, pour « Le dernier des justes », a publié avec sa femme « Un plat de porc aux bananes vertes ». Ce livre écrit donc à deux mains en 1967 montre, une fois encore, la symbiose qui pouvait exister entre l’écrivain juif et sa femme noire originaire de Guadeloupe. André Schwarz-Bart est mort en 2006 à Pointe-à-Pitre ; mais sa femme Simone continue à témoigner de la richesse de leurs « causes communes ».

     En définitive, ces « Causes communes » se résument en une défense de l’empathie, cette « capacité à se mettre à la place de l’autre ». Si elle se manifeste avec beaucoup d’évidence dans les multiples exemples rapportés par Nicole Lapierre, je l’ai personnellement ressentie tout au long de cette exquise causerie. Et c’est ce qui me fait dire qu’il y a bien un ton « France Culture ».

                        Plaisir, 13 février 2012