B.1.6. Ce crime que je n’ai point commis

 

Ce crime que je n’ai point commis…

    

       J’ai reçu cette semaine copies intégrales des actes de naissance de mes fils Christopher et Terence que j’avais réclamées aux mairies de Lille et de Paris 13ème, leurs lieux de naissance respectifs.

     J’y apprends que Christopher est marié depuis le 29 mai 2010 à Bois-Colombes (Hauts-de-Seine) avec S… L…, et que Terence a convolé en justes noces le 1er janvier 2011, soit tout juste six mois après son frère, à Osaka (Japon) avec K… H… dont le patronyme nippon ne laisse aucun doute sur sa nationalité d’origine. J’ai beau être un ancien policier, je n’ai jamais eu la mentalité à « fliquer » les gens et encore moins mes enfants. Les documents auxquels je viens d’avoir accès m’ont été communiqués en ma qualité légitime de père. Je déclare simplement que je n’aurais pas eu recours à cet expédient si, depuis Dakar, un de mes jeunes frères ne m’avait pas informé qu’il était tombé inopinément sur le bulletin en ligne de la Mairie de Bois-Colombes et que le nom de mon fils Christopher figurait dans la rubrique des récents mariés.

     A la veille d’épouser F… en décembre 1975 à Dunkerque, ma propre mère m’avait dit ceci : « Mon fils, malgré tout le mal que ton père nous a fait, il est et il restera toujours ton père ; tu ne peux donc prendre femme sans le lui faire savoir ». Je remercierai toujours ma mère de m’avoir donné ce sage conseil que j’ai suivi à la lettre. Il m’a permis de renouer le fil du dialogue interrompu depuis plusieurs années avec mon géniteur. Nous avons pu de nouveau échanger comme père et fils jusqu’à sa mort accidentelle survenue à Cotonou (Bénin) en novembre 1987. Même si je n’ai pas eu l’occasion de le rencontrer physiquement dans l’intervalle, j’étais content d’avoir pu faire la paix avec lui avant sa disparition. 

     Au cours de ma longue carrière en ambassade, j’ai connu un conseiller culturel, homosexuel de son état et fonctionnaire fort talentueux au demeurant, qui avait coutume de déclarer dans ses moments de grands emportements : « Moi au moins, j’ai le cul propre ! ». Aussi curieux que cela puisse paraître, il entendait par là qu’il avait la conscience tranquille et que tout le monde ne pouvait pas en dire autant. Cela fait plus de quinze années que je n’ai plus de relations suivies avec mes enfants, c’est-à-dire précisément depuis le moment où j’ai quitté leur mère ; c’est ce qui explique apparemment qu’ils puissent être, l’un et l’autre, aujourd’hui mariés sans que j’en sois informé et, encore moins, convié à leurs noces.

     Ma vie n’aura pas toujours été un long fleuve tranquille mais, jusqu’à ma mort, j’aurai toujours ma conscience pour moi avec la certitude d’avoir fait ce qui était de mon possible. Néanmoins, il restera toujours ce crime que je n’ai pas commis et pour lequel d’aucuns voudraient bien me voir crucifié. 

     Dieu jugera…

                                                                 Plaisir, 22 juillet 2012