Mon présent conditionné

 

 

Mon présent conditionné

 

Je voudrais être malade pour que tu t’occupes de moi !

Pas une petite maladie de rien du tout, mais quelque chose

De bien compliqué qui me mettrait à l’article de la mort ;

Quelque chose comme, je ne sais pas moi, une tumeur

Une tumeur maligne qui me rongerait petit à petit. Mieux !

Qui me donnerait de forts accès de fièvre à me faire délirer ;

Un doux délire qui m’envahirait durant des heures

Où tout ce que je pourrais dire d’insensé et d’impossible

Serait miraculeusement mis au compte de ma maladie.

Je dirais par exemple que je t’aime et que je veux

Plein d’enfants de toi, des enfants couleur d’ambre

Aux yeux de corossol qui courraient à moitié nus

Là-bas, dans mes Afriques, où j’aurais bâti de mes mains

Notre maison pour t’éviter la morsure des hivers

Et les vicissitudes de la vie si dure en terre de France.

Je ferais tout cela parce que je t’aime, que je t’ai aimée

Dès l’instant béni où je t’ai vue, où ton image innocente

Est venue à jamais se graver dans mon cœur gauche.

Tu serais assise au bord de mon lit, comme l’autre soir

Quand tu es venue ; ma tête en feu serait sur tes genoux ;

Tu en caresserais la bourre laineuse dans le vain espoir

De m’apporter un semblant de quiétude, un peu d’amour

Avant que je ne m’éteigne, les yeux dans tes yeux.

 

Je voudrais tant être malade pour que tu t’occupes de moi !

 

                                                                   Dunkerque, août 1977