Mes centenaires à moi

Né le 22 octobre 1921 à Sète, Brassens aurait eu 104 ans aujourd’hui. A ce titre, il fait partie des centenaires chers à mon coeur. Dans la photo ci-dessous où on le voit en compagnie d’Henri Salvador, il me donne l’impression d’avoir toujours été vieux.

Né le 18 juillet 1917 à Cayenne, Henri Salvador avait non seulement quatre bonnes années de plus que notre bonhomme, mais il a surtout vécu plus longtemps que lui en mourant, à Paris, à 90 ans passés. Henri Salvador habitait sur le 1er arrondissement, Place Vendôme, et il allait souvent taquiner les boules avec ses amis dans le jardin voisin des Tuileries. C’est en ma qualité d’ancien officier de police ayant servi sur cet arrondissement que j’ai plaisir à apporter ces précisions. Le pauvre Brassens, lui, est mort le 29 octobre 1981, à tout juste 60 ans. Des inégalités de l’existence… 

Cependant, en parlant de centenaires, je réalise que la seule personne de cette rare espèce que j’ai connue de son vivant est Nanan, ma grand-mère maternelle. Née Adjuavi Codjia à Ouidah, elle est morte à Cotonou (toujours au Bénin) à l’âge estimé de 101 ans. J’écris estimé parce que la plupart des indigènes ne figuraient pas sur les registres de l’état-civil de l’époque. Bon nombre d’entre eux, mon propre père y compris, n’ont pu régulariser ultérieurement leur situation qu’à l’aide de jugements supplétifs faisant d’eux les fameux « nés vers… ». Un souvenir ému que je garde en mémoire est le baptême de ma grand-mère, suivi de sa première communion, durant la messe de minuit du 24 décembre 1970 à Porto-Novo. Elle, l’ancienne animiste, avait donc 66 ans et moi tout juste dix-sept et demi. 

Du coté des Verny, ma famille française d’adoption, j’ai bien connu Jeanne de Beauvais, la mère de René Verny, l’homme qui a commencé à s’occuper de moi au Sénégal alors que j’avais à peine dix ans. C’est à cette époque que j’ai rencontré pour la première fois Jeanne. L’impression que j’ai conservée d’elle est celle d’une grande fragilité, en dépit du fait qu’elle ait mis au monde sept enfants, cinq garçons et deux filles. A 70 ans passés, elle me paraissait si frêle ! Né le 14 septembre 1886, son mari Roger Verny était mort le 11 juin 1964, soit peu de temps avant que je fasse sa connaissance. On pourrait donc attribuer cette fragilité à son récent veuvage. Elle-même a vu le jour le 14 juillet 1893 et elle est décédée le 27 avril 1982. Je tiens tous ces renseignements de l’un de ses petits-fils, Jean-Pierre Verny, lui-même fils de Charles Verny, le premier enfant que Roger et Jeanne mettront au monde. Je me plais toujours à dire à mon cousin Jean-Pierre qu’il a une mémoire d’éléphant. Avant de finir sa vie au couvent d’Aubazine (Corrèze) près d’Aly, sa fille religieuse, Jeanne a été un moment pensionnaire à la Fondation Greffulhe, une maison de retraite médicalisée sise à Levallois-Perret. Durant le printemps 1975 où j’effectuais mon stage de gestion hôtelière à l’ancien hôtel du Club Med1 du 58, boulevard Victor Hugo à Neuilly-sur-Seine, j’allais de temps en temps lui tenir compagnie lorsque j’avais un moment de libre. Devenue une vénérable octogénéraire, elle avait néanmoins gardé toute sa lucidité et se souvenait avec justesse des événements et des gens. En attendant de mettre la main sur des photos qui soient un peu plus parlantes d’elle, je produis à la suite la seule que j’ai trouvée dans mes archives, mais qui symbolise néanmoins son lignage.

  

De son côté, Soad n’est pas en reste non plus. Sa maman Huguette, née Meuriot en 1919, aurait eu 106 ans cette année. Si je n’ai pas connu son mari Fadel Babiker dont elle a été veuve de bonne heure, j’ai eu par contre la chance de faire un bout de chemin avec celui qui fut son bon ami depuis le Soudan ; j’ai nommé Raymond Camhi. Né en 1915, lui aussi intègre légitimement la cohorte de mes centenaires. Il mourra en 2007, juste l’année d’avant notre retraite. 

 

Pour finir, résident à Pont-Croix depuis seize ans déjà, j’ai gardé pour la bonne bouche deux anciens que j’ai eu le bonheur de côtoyer dans cette petite cité de caractère : je veux parler d’Agnès Griffon, née Ansquer, et du père Louis Corvest, dit Lili, dont j’ai déjà parlé dans divers écrits2. Tous deux reposent dans le petit cimetière de Pont-Croix. Agnès est décédée en 2015, peu de temps avant de fêter son 99ème anniversaire. Lili est mort quant à lui, en 2017,  à l’âge de 96 ans.

 

 

Voilà pour le revival ! Comme pour Brassens, tous ces morts ne sont pas morts car ils sont toujours, tous sans exception, présents dans mon coeur.

 

Pont-Croix, 22 octobre 2025


1. L’ancien hôtel du Club Méditerranée de Neuilly-sur-Seine, situé au 58 boulevard Victor Hugo, a été entièrement reconverti en une résidence de grand standing baptisée « 58 Victor Hugo ».

Le bâtiment, construit dans les années 1960, avait d’abord accueilli le Club Med, avant de devenir successivement l’hôtel Abela, puis le Mövenpick et enfin le Crowne Plaza Neuilly-sur-Seine . Il comptait à l’origine 281 chambres et suites réparties sur environ 15 000 m².

En 2022, le site a été racheté par Icade et Artbridge Investments pour être transformé en 166 logements , comprenant des appartements en accession libre, en location, et environ 30 % de logements sociaux. Les travaux ont débuté en 2023 et la livraison est prévue pour 2026. Le projet, conçu par l’agence Ory Architecture, inclut la création d’espaces extérieurs privatifs, d’une piscine, et d’un espace fitness, dans une logique écologique favorisant la préservation du bâti et la végétalisation des façades et toitures.

La nouvelle résidence « 58 Victor Hugo » propose des logements de très haut standing , avec un prix au mètre carré valant entre 17 000 et 25 000 € selon la typologie des appartements. Le projet illustre une tendance urbaine majeure : « reconstruire la ville sur la ville », c’est-à-dire transformer les bâtiments existants plutôt que d’en construire de nouveaux pour limiter l’artificialisation des sols.

En somme, l’ancien hôtel du Club Méditerranée de Neuilly-sur-Seine est aujourd’hui en passe de devenir une adresse résidentielle de luxe, tout en adoptant une démarche écologique et urbaine moderne.

2. Voir sur ce même site les articles suivants :
https://www.feliho.fr/2-mes-articles/21-personnel/b-1-13-en-souvenir-dagnes-griffon/
et https://www.feliho.fr/2-mes-articles/23-religion/237-lili-ma-dit/