A la manière de Fernando Pessoa

 

En littérature, un hétéronyme est un pseudonyme utilisé par un écrivain pour incarner un auteur fictif, possédant une vie propre imaginaire et un style littéraire particulier.

J’ai découvert le mot « hétéronyme » en consultant récemment la biographie de Fernando Pessoa après avoir lu un de ses poèmes tiré du recueil Le livre de l’intranquillité. Il paraîtrait que ce qui déconcerte ou fascine les lectures de Pessoa est l’existence en lui de tous ces auteurs « hétéronymes » dont il a écrit les œuvres et assumé les personnalités.

Dans mes autofictions déjà publiées, j’utilise régulièrement le pseudonyme d’Edgar Dumey qui n’est qu’un autre moi-même. Cet artifice m’évite de me mettre constamment en scène et m’épargne derechef les procès en narcissisme. Edgar, c’est le grand-frère que je n’ai pas connu. Il est mort en bas âge à Douala (Cameroun), en 1952, une année avant ma propre naissance. Evoquer son nom dans mes ouvrages est par conséquent une manière pour moi de respecter sa mémoire, de le maintenir vivant. Dumey se veut la contraction de « du Dahomey ». Le Dahomey, devenu depuis 1975 le Bénin, est le pays où j’ai vu le jour, mais où je n’ai jamais vraiment vécu. En terme de durée, le pays dans lequel j’aurai le plus séjourné aura été le Sénégal, de septembre 1960, soit tout juste quelques mois après l’indépendance, à novembre 1974 où j’ai émigré pour toujours en France. Mais je n’ai jamais jamais renié mes origines ; par mon histoire familiale, je suis indubitablement du Dahomey et non pas de Bretagne. 

Tout comme ce bon Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir, à la manière de Fernando Pessoa, j’ai donc utilisé le procédé de l’hétéronyme et je n’en suis pas peu fier. La preuve que, en matière d’écriture, on n’invente rien : inconsciemment ou non, on ne fait que reproduire, avec plus ou moins de bonheur.

Pour conclure ce billet, j’ai plaisir à reproduire à la suite deux citations de Fernando Pessoa dans lesquelles je me reconnais également :

« La valeur des choses n’est pas dans la durée, mais dans l’intensité où elles arrivent. C’est pour cela qu’il existe des moments inoubliables, des choses inexplicables et des personnes incomparables. »

« Nous avons tous deux vies : la vraie, celle que nous rêvons dans l’enfance, que nous continuons de rêver adultes, sur fond de brouillard ; la fausse, celle que nous partageons avec les autres, la vie pratique, la vie utile, celle où l’on finit dans un cercueil. »

Plaisir, 7 avril 2025